Robert Théophile
(1879-1954)
Grand format
Huile sur toile
75 cm x 90 cm
En parfait état
Sans cadre
Oeuvres de Théophile Robert en vente sur notre site
Ref : E150
Théophile ROBERT, peintre (1879-1954)
Né le 12 août 1879 au Ried près de Bienne, mort le 24 février 1954 ä Neuchâtel. Fils de Léo-Paul et frère de Philippe Robert. II étudie tout d'abord le dessin et la peinture avec son père, devient l'élève de Clément Heaton, puis travaille à Montpellier sous la direction du peintre Eugène Burnand. Il séjourne en 1897 à Florence où il rencontre les peintres René Auberjonois et Pierre Godet. Il se rend en 1899 à Paris et travaille jusqu'en 1907 dans divers ateliers et académies. Après son mariage en 1908, il entreprend un voyage d'étude en Allemagne, puis s'installe jusqu'en 1918 à Saint-Blaise.
Théophile Robert retourne après l'armistice à Paris, retrouve son ami de longue date, Le Corbusier, se lie d'amitié avec Amédée Ozenfant, et fréquente des artistes tels que Picasso, Braque, Bissière, devenant cubiste à sa manière. L'année 1921 marque son premier grand succès au Salon des indépendants et le début d'une grande carrière internationale. Il expose tant en France, en Allemagne, au Japon qu'en Suisse où chaque année de nombreuses commandes de portraits le retiennent dans son atelier à Saint-Blaise. II revient définitivement en Suisse en 1929 pour se vouer à la décoration d'églises telles celles de Tavannes, Gorgier, Saint-Blaise, et poursuivre ses recherches picturales au travers d'une production variée comprenant portraits, natures mortes, bouquets de fleurs, paysages etc.
Source: Bibliographie: Lucienne Florentin, Théophile Robert, Neuchâtel, Delachaux & Niestlé, 1933. SKL, pp. 790-791.
Théophile ROBERT par Alexandre Cingria
Revue Pages d'Art - septembre 1918 - Edition Sonor SA, Genève
Théophile Robert est un artiste qu'on connaît mal en Suisse romande. Il exposa pourtant au salon des Cahiers Vaudois à Lausanne en 1914, à l'exposition de la Pomme d'or à Genève en 1916 et à l'exposition de la Pomme d'or à Zurich en 1914. Il a décoré l'abside d'une grande église à Lucerne et, en Suisse alémanique, on l'estime comme un de nos meilleurs peintres romands.
Son oeuvre dont on verra une partie exposée à la Galerie Moos cet automne est fort difficile à analyser.
Robert est à la fois très divers et cependant toujours lui-même, il est traditionnel et ne se rattache pourtant à aucune des écoles de la Suisse contemporaine. Il est extrêmement romand sans l'être pourtant dans l'acception patriotique et scolaire qu'on attache à ce terme. Il est protestant, mais avec un parfum de catholicisme qui n'a rien d'orthodoxe.
Son oeuvre est charmante, discrète, parfois hésitante et étouffée, infiniment consciencieuse et d'une élégance latine. Elle est d'un goût indiscutable mais souvent trop parfait. Son art est très naïf. Il est animé par une imagination toute jeune qui le rapproche de l'art populaire. Sous l'inspiration de cette imagination, Robert nous a donné toute une série d'oeuvres d'art d'un sentiment religieux très particulier qui tient à la fois de Fra Angelico, de Maurice Denis, de Rousseau, du protestantisme campagnard du XVIIIe siècle, et enfin du jansénisme français. La passion, la belle sensualité, le laisser-aller savant, la facilité décorative, et aussi, les défaillances du grand art italien ou espagnol, l'acuité analytique et spirituelle de l'art français du XIX. siècle lui semblent étrangères.
Tous ces caractères qui semblent contradictions tout en se complétant sont bien spécifiques à la Suisse romande. Robert est un romand et son oeuvre l'exprime parfaitement.
Cette conclusion m'amène à des définitions qui sont inspirées par des méthodes scientifiques un peu surannées. Et je me vois forcé d'en venir à parler, à la manière de Taine, des influences du milieu, de la race, du sol et de l'histoire, pour expliquer l'art de Robert. C'est prétentieux peut-être, et surtout, un peu vain. Mais un article de critique d'art ne saurait être toujours écrit comme un poème en prose.
La Suisse n'est pas, comme on le croit en France, une nation compacte, une république au pouvoir centralisé. Et son art s'en ressent. Il n'y a pas plus d'art essentiellement suisse qu'il n'y a d'âme suisse, de femme suisse et de mentalité suisse. Il n'y a de vraiment suisse que notre armée suisse. Et on a beaucoup de peine à l'entretenir dans un esprit d'homogénéité.
Mais il n'en existe pas moins, en Suisse, beaucoup de manifestations artistiques très différentes les unes des autres. Un courant général, une grande mode qui a parcouru l'Europe à travers nos Alpes leur a donné parfois une certaine unité d'inspiration ou de style, mais elles ne furent jamais, si ce n'est dans ses oeuvres d'art médiocres, dues à un patriotisme de bas étage, réunies dans une seule école par un lien national. Aussi, lorsqu'il s'agit de parler de l'art suisse, il faut tout de suite séparer la Suisse allemande du pays romand.
Pour ce qui concerne Robert, nous n'avons guère à nous occuper de la Suisse allemande. Nous dirons seulement qu'elle constitue une réunion de cantons où la vie est plus active, plus intense, plus disciplinée, moins molle qu'en Suisse romande et le goût de l'art est plus développé, plus répandu et plus vivant que chez nous. Les cantons alémaniques virent fleurir autrefois des écoles d'art local de tout premier ordre et un art populaire d'un goût absolument exquis. Mais aussi de nos jours, on y voit à côté de la multiplication des musées, des expositions et des mécènes, se développer un art moderne d'inspiration toute allemande qui semble unifier le goût d'une manière aussi absolue qu'absurde.
En Suisse romande, rien de pareil. Point de grand art à l'époque de la Renaissance, point d'art populaire de saveur étrange et de nos jours aucun goût pour l'art. Mais d'autre part, beaucoup plus d'attachement à la tradition et à une tradition de civilisation doucement aimable à l'image de la France et aussi de ce calme et beau pays qui s'étend et se repose entre le Jura et les Alpes.
Or chez les esprits cultivés de la Suisse romande cet attachement à la tradition s'est manifesté par un art certainement national.
Cet art est assez paysan comme le pays romand, pas très naïf ni très populaire puisque chez nous on a abandonné assez tôt dans l'histoire les coutumes locales pour se civiliser à la française. Il est assez intellectuel, voir même un peu sec et froid puisque le pays romand est en grande partie protestant. Il n'est pas nerveux, ni très grand, ni très fort puisque notre race romande est à la fois molle et sèche. Puisqu'elle est anémiée aussi par des préoccupations intellectuelles sans but déterminé, la morale sans objet, les nobles rêveries sans amour précis. Puisque enfin, par je ne sais quelle erreur fondamentale, elle est toujours préoccupée à chercher dans la culture intellectuelle germanique le complément neutralisateur de son essence qui par nature est pourtant tout à fait latine.
Cette âme romande à la fois inquiète et doucement endormie (je crois que j'abuse aussi de la réconciliation des contraires) s'est donc manifestée depuis le XVIlle siècle par un art dont on retrouve certains caractères communs dans les petites écoles cantonales qui se groupent pour un temps autour d'un ou de quelques artistes. Ce caractère est un mélange de douceur et de sévérité. Il doit la première à l'aménité des rives du Léman, du lac de Neuchâtel et des campagnes qui les environnent et la seconde autant au climat alpestre et rude qui bouleverse sans cesse nos plaines romandes qu'à la retenue protestante. Ces deux influences prêtent à l'art romand un aspect très classique et d'un classicisme qui n'a rien à voir avec le classicisme italien. Il se rapproche au contraire beaucoup du classicisme français qui dans sa retenue et sa tenue janséniste présente de nombreuses parentés avec lui.
Il existe, je dois le dire, en dehors de cet art classique romand, des écoles très dissidentes, telle l'école de ces jeunes peintres genevois qui, dans un parisianisme pervers de l'avant-guerre, n'offre aucun caractère national, telle aussi l'école des imitateurs d'Hodler dans sa seconde manière, qui dans leur art à la fois cahotique et calligraphique affectent une brutalité qui n'a rien de romand.
Mais malgré ces exceptions, on peut bien affirmer que tous nos grands peintres romands, depuis nos anciens comme Léopold Robert, Calame ou Glevre, en passant par nos maîtres d'hier, comme Menn, Hodler dans sa première manière, Badel, Pignolat, Perrier, pour aboutir à nos contemporains comme Auberjonois, Blanchet, Bischoff, tous présentent dans la diversité de leur talent, quelque chose de ces qualités classiques un peu froides qui sont la marque nationale de notre art romand.
Chez tous on retrouve le même goût des belles formes sans expression passionnée, l'amour scrupuleux du métier honnête et bien achevé, le sens juste et harmonieux des valeurs, un naturalisme sévère qui ne laisse pas de se combiner parfois par le don du style avec de belles qualités décoratives, un manque égal d'âpreté, de grandeur, de fantaisie et de laisser-aller et pour beaucoup aussi d'imagination.
Les styles nouveaux et fiévreux, les recherches scientifiques et intellectuelles qui passionnent en France, en Italie ou en Espagne, la génération des artistes contemporains, laissent les artistes romands pleins d'incuriosité.
Presque tous sont passéistes et d'un passéisme réactionnaire et têtu. Mais ils rachètent cette rigueur par de la bonhomie et souvent par une grâce innée et naïve. Et par là, l'aspect de leurs œuvres en demeure plus accessible à la généralité du public, ce qu'il faut estimer.
Ces caractères généraux de l'art romand, nous ne les avons exposés que pour mieux comprendre l'oeuvre de Th. Robert. Mais pour compléter cette étude, il nous faut chercher encore ce que Robert doit à sa terre de Neuchâtel et à ses hérédités.
Neuchâtel, qui aujourd'hui ne fournit plus à l'école romande qu'un ou deux peintres, était autrefois le centre d'une école locale toute imprégnée de ce classicisme particulier que nous venons de définir. Au musée de Neuchâtel, les oeuvres réunies de Maximilien de Meuron, de Sandoz-Rollin, de Paul de Pury, d'Albert de Meuron et de Léon Berthoud résument les qualités de cette école. A mon avis, elles traduisent mieux les aspirations du pays romand que les peintures de genre de l'ancienne école genevoise qui sont trop humoristiques et affectent un faux genre anglais qui ne concorde pas du tout avec notre esprit vraiment national. Il faut ajouter encore à cela que Calame, le plus grand paysagiste genevois était d'origine neuchâteloise. Et cet ensemble de faits nous montre à Neuchâtel un pays mieux préparé qu'ailleurs pour manifester les tendances classiques de l'art romand. J'ai tenu dans cet article à faire figurer, à côté des oeuvres de Théophile Robert, un tableau de Léopold Robert, son grand-oncle, pour expliquer comment ces tendances furent réalisées par un ancêtre de l'artiste qui nous occupe et par un ancêtre qui se trouve être un de nos plus grands peintres.
Léopold Robert en effet, sous une apparence de sécheresse, nous résume toutes les aspirations de l'art romand, mais en leur prêtant une grandeur et un style inaccoutumés. Tout le monde connaît ces beaux tableaux où de nobles figures aux gestes harmonieux, vêtues de costumes populaires reposent, dansent, défilent et se groupent dans des attitudes à la fois décoratives et graves. La ligne de ces compositions est ferme, incisive et délicate. Le modelé en est extrêmement simplifié comme celui des bas-relief. La couleur en est hélas terne et désagréable. Or cet art dans sa recherche de beauté sérieuse qu'il traduit avec bonheur, avec grâce, mais aussi parfois avec un peu d'ennui, présente certains caractères essentiels de notre âme romande.
Un autre ancêtre de Th. Robert fut son grand-père Aurèle, le frère de Léopold Robert. On connaît surtout Aurèle Robert par toute une série de copies à la sépia qu'il fit des tableaux de son frère. Ces copies sont traduites avec un joli métier qui leur prête plus d'agréments qu'à certains des originaux. Aurèle Robert se spécialisa aussi dans les peintures des intérieurs d'églises. Il les peignit avec un sens de l'intimité et un goût du métier qui rendent ces oeuvres plus appétissantes et plus meneuses que les tableaux parfois difficilement accessibles du grand maître que fut son frère.
Le fils d'Aurèle fut Paul Robert qui acquit en Suisse une grande renommée par des oeuvres qui semblent échapper à première vue aux caractères traditionnels du goût national tel que nous l'avons défini. Elles lui échappent, semble-t-il, par ce besoin protestant de combattre l'attrait des formes aimables que goûte cependant si simplement le fond de notre race. Mais cette tendance qui contraste si fort avec le caractère mou, heureux et voluptueux de nos campagnes, elle est aussi bien romande. Dans toutes les villes protes-tantes, elle s'est développée, se traduisant par des inquiétudes, des scrupules et aussi par un goût passionné de l'abstraction. C'est elle qui neutralise chez les intellectuels (et tous nos peintres le sont un peu) les instincts gourmands de la race et donne aux oeuvres de nos artistes ce quelque chose de sec, d'inquiet, de scrupuleux ou de vide qui les anémie toujours.
Chez Paul Robert, on ne peut qu'estimer cet idéalisme transcendantal qui veut à tout prix s'élever au-dessus de la médiocrité aimable et un peu terre à terre à laquelle sa race le lie. Je regrette seulement qu'il ne l'ait pas fait à la manière de Léopold Robert, en s'attachant aux recherches d'un style sévère et nu. Son art, au contraire, à la fois touffu et confus, trop plein d'intentions littéraires et philosophiques, y perd toute affirmation fortement exprimée. Mais j'aime à y retrouver, noyé dans un brouillard de détails cherchant tous à retenir l'oeil d'un manière égale, le souvenir de ces belles formes, de ces belles attitudes, des beaux visages, des fonds et des accessoires heureux qui trahissent malgré tout l'artiste romand épris malgré lui de la beauté sensible et de la grâce.
Aussi bien que le pays et que la race qui l'ont formé, les peintres de l'école neuchâteloise, et plus spécialement ceux dont il descend, ont contribué au développement du talent de Th. Robert. Et c'est pour cela que je me suis arrêté à parler d'eux. Th. Robert le sait si bien qu'il en parle, lui aussi, si on le questionne sur sa formation en temps qu'artiste : « Mon arrière-grand-père, m'écrivait-il dernièrement, Abram-Louis Robert, faisait de la petite mécanique de précision, entre autres de petites balances qui sont des merveilles d'exécution. Léopold, mon grand-oncle, Aurèle, mon grand-père, et Paul, mon père, vous sont trop connus pour que j'insiste. Dans ma famille, on a toujours eu le culte du métier, le respect du travail bien fait.
A côté de cela, l'amour de l'indépendance et, comme chez tous les vrais indépendants, le respect de toute idée sérieuse, même si elle est contraire à notre idéal.
Du côté des femmes, un solide équilibre mental, beaucoup de bon sens, de simplicité et une foi profonde et naïve.
Mon père est un mystique ; mon grand-père était voltairien, mais avec un grand respect pour la religion. Léopold, mon grand-oncle, un neurasthénique, avec des élans de mysticisme très curieux. En résumé, mes ancêtres sont, du côté mâle, des indépendants sujets à des crises de mysticisme et dominés par leurs sentiments et par leurs nerfs..... »
Ces quelques citations confirment les quelques recherches que j'ai faites tout à l'heure pour montrer les aspirations de l'âme romande et comment elle aime à les traduire en art. Il conviendrait pour compléter cette étude que je décrive aussi cette terre romande qui s'étend de Bienne au Fort-de-l'Ecluse. Mais la place me manque pour le faire. J'ai beaucoup parlé ailleurs de ce pays d'abondance, de calme, de bonheur, de finesse matoise, de bonhomie sans aigreur, de paresse aussi, ami de l'ordre, ennemi des révolutions, traditionnel et sagement civilisé. J'aurais voulu, en analysant le charme particulier des régions qui bordent le lac de Neuchâtel, expliquer d'une façon plus précise encore ce que Th. Robert leur doit. Je me contenterai de citer encore à ce propos quelques lignes d'une lettre de Robert qui arrivent aux mêmes conclusions « Rien ne pouvait me faire plus plaisir que le mot de « tradition » que vous employez dans votre lettre en parlant de mon intérieur.
Voilà le secret de toutes mes recherches de ces dernières années. J'éprouve, surtout depuis la guerre, un intense besoin de revenir dans ma vie et dans mon art à cette charmante tradition qui faisait la force et la santé de nos pères.
A votre prochain passage à Saint-Blaise, je vous montrerai dans quel sens je cherche maintenant à revenir à la tradition romande, en m'inspirant de plus en plus et uniquement de notre nature.
Notre tradition neuchâteloise, trop pauvre, trop prude, pourrait, me semble-t-il, être rajeunie et amplifiée tout en gardant la mesure qui fait son charme et son caractère particulier ».
Et maintenant qu'est-il besoin d'expliquer davantage les oeuvres de Robert, ces quelques mots d'études sur le milieu et les hérédités du peintre et surtout les confessions si simples et si directes que contiennent les deux lettres que j'ai citées, me dispensent de m'étendre encore beaucoup sur l'analyse de son talent. C'est un art qui parle surtout par la saveur de son métier et par les belles lignes calmes, reposantes et fraîches qu'il nous offre pour le plaisir des yeux. Véritable art classique dans l'esprit de l'art français d'autrefois, retenu comme lui par une sorte de jansénisme inconscient, mais avec un côté de naïveté qui en amollit la farouche discipline. Naïveté qui fait une grande partie du charme de Robert et le rapproche du vieux fonds de la race romande. Ce fonds à la fois autochtone et latin d'avant la Réforme et d'avant tout ce qu'elle apporta chez nous de culture intellectuelle étrangère.
Car il me semble voir en Robert, en plus de toutes ses qualités d'artiste, et d'artiste sûr de son métier, un côté d'art populaire bien rare chez nous et même (à moins qu'il ne pastiche les images d'Epinal) bien rare aujourd'hui dans la peinture européenne. Sa petite Béthsabé dans ses palmiers, la rencontre d'Esaü et de Jacob avec ces costumes de soldats romains qu'on voit dans les mystères joués par des paysans et la Nausicaa avec ses servantes lavandières dans leurs robes de rythmiciennes un tant soit peu chrétiennes et quelque peu scolaires touchent à la fois aux peintures si délicieusement ingénues des Loges de Raphaël, aux images que j'aime tant que les gens de la Havane collent sur les couvercles de cèdre des boîtes de cigares, et aux naïves illustrations de certaines bibles populaires éditées en Suisse romande.
Ce côté de Robert s'allie, du reste, à son sentiment religieux ou du moins à celui qui se dégage de ses essais d'art religieux. Ils ne sont pas toujours égaux et pas toujours également bien inspirés, mais ils sont presque toujours poignants. Et comme ils rendent bien l'esprit de ce protestantisme national de la Suisse romande d'autrefois, pas le protestantisme rigoriste d'importation anglaise qui a fleuri chez nous à la suite du « réveil », ni de ce calvinisme souvent agnostique qui dessèche Genève, ni de ce mysticisme ennemi des formes qui s'est développé dans les montagnes de Vaud et de Neuchâtel. Non, tout simplement de ce protestantisme traditionel gouvernemental et familier qui était celui du XVIle siècle, dont on respire le parfum d'honnêteté dans tout ce qu'inspira la campagne romande et dont on retrouve la saveur dans certaines pages de Rousseau.
Ah ! que nous sommes loin de l'art religieux déclamatoire ou prétentieux des grands artistes des deux salons de Paris et même de cet art religieux plus sincère, plus mystique, mais si embêtant des élèves chrétiens d'Ingres. Et comme cette application de la religion à l'art et à l'art local est encore conforme à la tradition de notre sol.
Il y aurait encore bien des choses à dire sur l'art de Robert, mais je n'ai pas la place de le faire ici. Tout ce que je puis encore répéter, c'est qu'avec un talent charmant, discret, décoratif, appuyé par un métier d'une virtuosité profonde, l'art de Robert résume notre patrie romande dans tout ce qu'elle possède à la fois d'aimable et de sérieux.
Alexandre Cingria.
Étude d'Alexandre Cingria sur le peintre Théophile Robert (format .pdf)