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Janebé
(1907-2000)
2800,00 CHF

 

 KURT HINRICHSEN

(1901-1963)

Peintre bâlois visionnaire de la réalité

Notre époque éprise de liberté l'est aussi de ces classements « par tendances » qui facilitent la tâche de la critique et qui procurent au public une apparence de sécurité. On croit y voir clair quand on sait à quel groupement, à quelle équipe, à quelle école un artiste se flatte d'appartenir ou accepte de s'affilier. Mais nous voici en présence d'un inclassable et qui nage à contre-courant avec une rare vigueur.

Ses contemporains sont perplexes devant son cas, se demandant quelle étiquette appliquer à sa ou à ses manières. Il faut renoncer à l'apprivoiser, le prendre tel qu'il est, admettre qu'en un temps où la peinture se détache de tout objet, aspire à ne se justifier, à ne subsister que par elle-même, et tend de plus en plus à ce qu'on nomme l'abstraction, Kurt Hinrichsen demeure aussi lyrique qu'il est attaché au réel.

Paradoxale est ainsi sa position : c'est la vie qu'il veut exalter et dont, tout d'abord, il s'enivre, mais il la transcende en superposant à sa représentation toujours lisible l'expression d'une subjectivité qui pourrait se passer de tout prétexte et faire éclater la forme concrète, la dissoudre, la pulvériser. Il semble que le rythme pur, un rythme tour à tour ample et saccadé, berceur et nerveux, soit le principe et la raison suprême de l'art du moderne « baroque », de l'impressionniste et expressionniste rubénien qu'est Hinrichsen. Par là, sans doute, par son culte pour Pierre-Paul Rubens, il a, depuis plus de vingt ans, requis l'attention, forcé la sympathie du Flamand qui lui rend ici témoignage et qui apprécie hautement son intransigeance, son appétit d'unité, de totalité.

Le mouvement de son esprit et de sa main crée ce rythme auquel nous venons de faire allusion comme à la qualité maitresse de son style, ce rythme qui anime le moindre de ses dessins, la plus foie touffue de ses compositions, et qui entraine en une sorte de tourbillon, de vertige, son oeuvre entière. La « torsion » que Delacroix s'efforçait de donner à ses figures, à ses arbres, à tous les éléments de ses grandes fugues picturales, Hinrichsen, instinctivement, la communique à ce qu'il appréhende; ce qui s'offre à ses yeux et ce qui hante sa mémoire, il le plie à sa fantaisie créatrice, il en fait des vagues, des flammes, des signes de son enthousiasme frémissant, de sa vitalité piaffante, de sa tendresse un peu brutale, de son amour qui s'adresse à tout le visible, à tout le vivant, à l'humain.

    

Quand il peint, il dessine avec la couleur. Et sa couleur, de même que sa forme, a sa valeur par elle-même, indépendamment de toute référence à la nature observée et analysée. L'orchestration des thèmes, des motifs, est suggérée, elle aussi, du dedans; elle est rythme de tons, mouvement de nuances et vibration de lumière. Lumière qui a son charme, ses attendrissements, ses caresses, mais aussi, dirait-on, ses colères, ses accès de rage. Lumière qui reste imprégnée des fraîcheurs impressionnistes, mais dont parfois les violences s'apparentent à celles de Van Gogh, de Soutine, les stridences à celles d'Ensor.

L'art de Kurt Hinrichsen ne parle pas, il chante, il crie; il explose en fulgurations dont on pourrait se demander si elles manifestent simplement la joie de peindre, la joie de vivre, ou si elles ne répondent pas à une espèce d'acharnement, de révolte contre la matière, contre la vie même, prosaïque et quotidienne, qu'il s'agirait à la fois de transcrire, de stigmatiser et de magnifier. Car enfin ces femmes de bar et de lieux douteux, ces danseuses se tortillant, ces dormeuses dépoitraillées, ces baigneuses aux chairs sans gloire, fausses grasses et fausses maigres, toutes en courbes, contre-courbes, exagérations de muscles, de croupes, de seins, Hinrichsen les juge sans doute aussi hideuses qu'admirables. Il semble chercher la beauté à travers la vulgarité, la laideur, et bien au delà.

C'est qu'il regarde ce que la nature lui propose, mais il en dispose à son gré, dans le souci de nourrir de réalité - caractéristique « baroque » encore - un art qui finalement, quasi exclusivement, vaille par son élan vital et qui, se soustrayant aux contingences du sujet, s'élève à sa propre « musique », à sa plénitude plastique, à sa splendeur incandescente, brasillante.

Toujours est-il que, si gratuites, si personnelles que soient son écriture et sa palette, liées à l'ardeur et à la richesse de son tempérament et de son être, jamais Hinrichsen n'a coupé le fil qui unit la peinture au monde extérieur ni celui qui rattache le « moderne » à l'art de toujours. Il est injuste à l'égard des maîtres d'hier, et il faut qu'un artiste ait de ces injustices, mais il se fortifie dans la compagnie de certains « anciens » dont il médite les exemples et dont il aspire, sans forfanterie, à continuer la famille.

Il fait l'effet d'un solitaire à quiconque ignore de quelles présences stimulantes et mystérieuses sa solitude est constamment peuplée et sur quels appuis se fonde son indépendance. Il y a, d'ailleurs, un contraste assez saisissant entre l'homme qui est réfléchi, réservé et même un peu raide, et l'oeuvre dont le bouillonnement, le fracas remplit l'atelier. Concevoir froidement et exécuter avec fougue : c'est le conseil que Delacroix se donne à lui-même, envieux qu'il est de la verve et de la « facilité » de Rubens. La correspondance d'Hinrichsen, toutes proportions gardées, est l'équivalent du Journal. Elle nous montre qu'il y a encore des peintres qui pensent leur art, qui seraient peut-être capables de le raisonner, mais qui, heureusement, cessent de raisonner au moment où se fait leur oeuvre, où l'inspiration les saisit et où, fût-ce en balbutiant, ils expriment ce qui, tout au fond de leur conscience, s'éveille pour les éblouir : leur « vision », autrement dit le gage, la sanction et la récompense de leur liberté intérieure.


Paul FIERENS

Source : préface du livre d'Adrien Chappuis consacré au peintre Kurt Hinrichsen. Editions J. Frion, 1954

 

Biographie de Kurt Hinrichsen sur notre site

 


 

 

EXPOSITION

du 18 octobre au 30 novembre 2025

Ouvertures : samedi et dimanche

de 14h00 à 18h00

  

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