Trente ans de peinture
Une histoire. A coup de flashes et de chocs, à coup de Paris sans odeur de café froid, de femmes dispersées sur les rivages de l'amour.
Une vie. C'est plus qu'une existence d'homme «raisonnable» trente ans de peinture. D’incertitudes de retours brisés et d'envols délicieux avant la chute. Sur la toile. Sur un grand corps étendu ou dans le vert cruel des déserts du printemps.
Pierre, c’est - déjà - trente ans de langage, de «légendes» existentielles, de «ça marche? - ça marche», de «oublier?». D'architecture spirituelle.
Sans attachement sentimental, sans mélodrame, soleil après soleil, lune après lune, orage après orage, Pierre s'est fait. Aujourd'hui, Il est. Sans se savoir, sans comprendre toujours pourquoi les loups avec les chiens se confondent.
Epanouïes – précieusement - les blessures de Pierre ne rassurent pas.
Pierre un temps. Pierre demain.
C'est-encore-trente années de balbutiement. D'accomplissement sans mesure. de fresques jamais reprises quand, dans la tête, Il y a des roses de silence englouti.
Les mots glissent, s'enroulent, culbutent, s'étreignent, trépignent. La peinture de Pierre, c'est autre chose. Trente ans - toujours - de lassitude écartelée. De mutisme à trop contempler les autres. La misère des autres et leurs irresponsabilités.
Pierre témoin. Pierre prophète, un peu. en taches éclaboussées, en griffures sur le monde. Et l'univers qui se dissimule, ocre et jaune. Ou gris ou vert.
Pierre Stampfli, immobile, la tête dans les mains, dit la terre. S'identifie aux actes des hommes, aux poings brandis, un grand soir de juillet.
Cela fait trente ans que Pierre Stampfli tente de les signifier, de donner au clown les mots qu'il ne sait pas, aux natures mortes le vie dont elles regorgent.
Cela tait trente ans, pas à pas, qu'il s'agit de faire éclater, du dedans de soi, cette boule de feu. - Là, dans le ventre. Insaisissable.
La démarche a son cheminement, ses hésitations, ses douleurs fulgurantes.
Son apaisement aussi. Mais vite remis en question. Parce que tout est relatif, perce que seule la passion a une autre couleur.
Un autre goût.
Pierre, c'est plus qu'une histoire, un conte à dormir debout.
Plus qu'un artiste.
Un peintre, peut-être.
C'est «quelque chose». La mer avec ses entrailles, le sable chaud qui dévore.
La découverte, enfin.
Celle de soi-même.
Et la renaissance très loin dans le temps, d'un rythme. Celui de l'automne, des moissons finissantes. Celui pour qui le cri n'est pas assez. Celui pour qui la quête est (presque) sans importance.
Pierre Stampfli, c'est trente ans de peinture.
Texte de Patrick Feria
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