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Claudel Paul
(1868-1955)
«Connaissance de l’Est» (1914)

Connaissance de l’Est (1914)
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Description du produit

Connaissance de l’Est (Texte rédigés entre 1895-1900)

Recueil de poèmes en prose, 226 pages (sans pagination)

Edition SEGALEN / PRESSE DU PEI-T'ANG, MCMXIV (1914)

Collection coréenne composée sous la direction de Victor Segalen à Péking.

Illustré de 61 lettrines en rouge et noir. (Jean Lartigue trouva chacun des sceaux des têtes de chapitres qu’il fit graver, les accommodant à chaque majuscule – toutes dessinées par Gilbert de Voisins).

Un des 570 exemplaires sur Vergé pelure.

Exemplaire numéro 224

En bon état

Impression sur doubles pages pliées, cousues selon la tradition chinoise en deux volumes réunis dans un cartonnage à volets – un «t’ao» – recouvert de soie, retenu par deux fermoirs en os.

La soie de l’étui diffère selon le tirage, mais pour tous les exemplaires de la Collection coréenne, elle provient de Péking.

Segalen précise même dans sa correspondance qu’elle est rigoureusement conforme aux étoffes bibliophiliques sous Kangxi, empereur de la dynastie Qing, qui régna de 1662 à 1723. Les exemplaires du tirage sur Vergé pelure possèdent tous une soie bleue.

Ref : 624-D3

  Paul Claudel en 1927 (Photo - domaine public)

Écrit en même temps que les Vers d’Exil, mais publié plus tôt, dès 1900, Connaissance de l’Est forme un ensemble beaucoup plus volumineux.

Il s’agit d’un recueil de poèmes en prose composés presque tous en Chine, et groupés en deux parties inégales. La première, de beaucoup la plus longue, a été rédigée entre 1895 et 1900 ; la seconde, entre 1900 et 1905, à un moment où d’autres projets avaient la préférence de l’auteur.

Le titre indique assez clairement ce qu’a été le projet initial : il s’agissait pour le nouveau venu d’apprendre à connaître ce pays de l’Est où il venait de s’établir, de faire connaissance avec lui. De là ces textes sur ce que nous appellerions aujourd’hui la culture chinoise : jardins, théâtre, idéogrammes… De là aussi les descriptions d’arbres exotiques, d’animaux, ou de paysages.

Mais décrire ne suffit pas. Claudel, appliquant aux choses d’Orient la question que Mallarmé lui a, dit-il, enseigné à poser en toute occasion (« Qu’est-ce que ça veut dire ? »), considère chacun des êtres et des spectacles qui s’offrent à lui comme un signe. Il s’emploie donc à le déchiffrer, et, sans rien lui ôter de son poids charnel et de son épaisseur concrète, à découvrir ce qu’il « veut dire ». Ainsi, le poème « Octobre » livre le mot que le paysage d’automne « signifie » ; ou bien encore le porc « enseigne » à ne pas chercher la vérité au moyen du seul regard, mais avec « tout cela sans réserve qui est [soi]-même ». Connaissance de l’Est peut prendre ainsi l’aspect d’un livre de sagesse, où la préoccupation religieuse demeure extrêmement discrète, étant traitée le plus souvent sur le mode de l’allusion.

Au demeurant le volume, où se mêlent l’évocation très sensuelle de très terrestres nourritures et les symboles de l’Invisible, fait voisiner des textes passablement hétérogènes : à côté des descriptions, on rencontre des récits de rêves (« Rêves »), des poèmes qui réécrivent des légendes chinoises (« La cloche ») ou des mythes japonais (« La légende d’Amaterasu »), des relations d’excursion qui sonnent comme de petites épopées, des réflexions à caractère philosophique voire théologique. À mesure que le temps passe, que l’auteur s’accoutume à cet « Est » dans lequel il vit, il éprouve de moins en moins le besoin de le prendre comme objet de regard et de méditation. On trouve ainsi vers la fin du livre des poèmes qui n’ont plus aucun rapport nécessaire avec l’Orient, tels la « Proposition sur la lumière », ou « Sur la Cervelle », ou encore « Dissolution », le poème qui ferme le recueil et qui évoque à la fois le voyage du retour et la dissolution de toutes les formes singulières dans l’Absolu marin.

Pourtant Connaissance de l’Est, en dépit de cette grande diversité de motifs, n’est pas un livre disparate. S’il en est ainsi, il le doit sans doute à une grande cohérence de ton, et à une remarquable qualité stylistique. Dramaturge et poète, Claudel est aussi l’un des premiers prosateurs de son temps, et c’est en écrivant Connaissance de l’Est qu’il a forgé son instrument. La phrase souvent complexe, fortement charpentée, accentue volontiers la visibilité des connecteurs logiques ; elle parvient à conjuguer avec bonheur des influences a priori peu compatibles (Mallarmé, Renard, Rimbaud…) et des registres très différents : le solennel et le trivial, l’analyse raisonnée (empruntant parfois au discours des sciences) et le lyrisme. Le vers, exclu du poème en prose, revient insidieusement sous l’aspect de formules fortement rythmées, parfois isolées par un blanc. De cette manière, le livre contribue à ce débat de la prose et du vers, engagé par Baudelaire, continué par Rimbaud, et que le « verset » claudélien dans le théâtre ou dans les Odes prolonge également d’une autre manière.

Source :
Claude-Pierre PEREZ
perezc@up.univ-aix.fr
Bibliographie :
Claude-Pierre Perez, Le défini et l’inépuisable. Essai sur Connaissance de l’Est, Les Belles Lettres, 1995.



LE RIZ

C'est la dent que nous mettons à la terre même avec le fer que nous y plantons, et déjà notre pain y mange à la façon dont nous allons le manger. Le soleil chez nous dans le froid Nord, qu'il mette la main à la pâte ; c'est lui qui mûrit notre champ, comme c'est le feu tout à nu qui cuit notre galette et qui rôtit notre viande. Nous ouvrons d'un soc fort dans la terre solide la raie où naît la croûte que nous coupons de notre couteau et que nous broyons entre nos mâchoires.

Mais ici le soleil ne sert pas seulement à chauffer le ciel domestique comme un four plein de sa braise : il faut des précautions avec lui. Dès que l'an commence, voici l'eau, voici les menstrues de la terre vierge. Ces vastes campagnes sans pente, mal séparées de la mer qu'elles continuent et que la pluie imbibe sans s'écouler, se réfugient, dès qu'elles ont conçu, sous la nappe durante qu'elles fixent en mille cadres. Et le travail du village est d'enrichir de maints baquets la sauce : à quatre pattes, dedans, l'agriculteur la brasse et la délaie de ses mains. L'homme jaune ne mord pas dans le pain ; il happe des lèvres, il engloutit sans le façonner dans sa bouche un aliment semi-liquide. Ainsi le riz vient, comme on le cuit, à la vapeur. Et l'attention de son peuple est de lui fournir toute l'eau dont il a besoin, de suffire à l'ardeur soutenue du fourneau céleste. Aussi, quand le flot monte les noriahs partout chantent comme des cigales. Et l'on n'a point recours au buffle ; eux-mêmes, côte à côte cramponnés à la même barre et foulant comme d'un même genou l'ailette rouge, l'homme et la femme veillent à la cuisine de leur champ, comme la ménagère au repas qui fume. Et l'Annamite puise l'eau avec une espèce de cuiller ; dans sa soutane noire avec sa petite tête de tortue, aussi jaune que la moutarde, il est le triste sacristain de la fange ; que de révérences et de génuflexions tandis que d'un seau attaché à deux cordes le couple des nhaqués va chercher dans tous les creux le jus de crachin pour en oindre la terre bonne à manger!

Extrait de Connaissance de l'Est. Paul Claudel 


 

Une édition canonique de son oeuvre 

Seule à Péking, Yvonne Segalen se chargea de la réalisation du livre. A la vingt-et-unième minute qui avait suivi son entretien avec Crès, Segalen demandait à Claudel son accord pour «le livre» de sa collection :

c’est dans le même format et sur le même esprit que je compte publier à Pékin toute une série de livres afférant ou non à la Chine, cela formerait une série d’« éditions coréennes » tirées à 1000 ou 1500 exemplaires sur papier de Corée mince; broché ou couvert à la chinoise; décoré de bois gravés (caractères, sceaux, culs-de-lampes) et unissant dans une juste mesure, les éléments fournis par l’art du livre en Chine à la bibliophilie européenne. Il n’est point question d’éditions fantaisistes, encore moins « exotiques » dans le mauvais sens d’un mot assez prostitué déjà. Mais de l’emploi mesuré des principes, des éléments déjà élaborés depuis des centaines d’années par les Lettrés, les Calligraphes et les maîtres imprimeurs dans le Milieu. Or, le livre par excellence qu’il me serait précieux d’ornementer ainsi est évidemment Connaissance de l’Est. J’ose vous prier de me laisser en disposer, et dès lors cette tentative, intéressante pour moi par son côté pittoresque et le séjour libre qu’elle m’assure à Péking, s’éclairerait de toute la valeur profonde du Livre qui est depuis 4 ans mon plus fidèle recours. J’ose à peine envisager un refus qui serait une grande peine (…) Vous avez été toute l’origine de mes débuts dans cette grosse Chine… Je vous supplie de m’aider à fermer ce premier cycle, un peu amer, très fructueux, en rejoignant encore à travers vous mon arrivée et tout ce que ces années enferment… (lettre du 10 août 1913).

Claudel fut très admiratif de ce Connaissance de l’Est – cela m’a fait autant de plaisir qu’une jeune mère de voir son enfant dans les dentelles – qu’il considéra comme l’édition canonique de son oeuvre.

Quant à Georges Crès, obnubilé par les volutes du camphrier, il fut un peu dépité de recevoir ses «coréennes» revêtues, élégamment certes, mais trop sobrement à son goût de carton et de soie. Segalen se justifia : je constate aussi que le format long, le pliage en portefeuille, et l’usage de plaquettes pour Stèles, forme un ensemble parfaitement incommode. Aussi ai-je immédiatement abandonné ce type pour donner à Aladdin et Connaissance la forme de deux volumes brochés à la soie, parfaitement en main, s’ouvrant merveilleusement, et contenus dans une enveloppe de soie cartonnées très pratique. L’excuse et la raison d’être du format Stèles est leur parfaite adéquation à leur sujet. Le bibliophile comprendra.

Segalen et les éditions Georges Crès & Cie

L’entrée en édition de Victor Segalen à l’orée du xxe siècle ne saurait en faire un cas unique. L’époque est propice à l’essor d’entreprises éditoriales sous la gouverne d’écrivains. Le passage à la réalisation concrète de livres occupe volontiers les milieux d’avant-garde depuis le symbolisme finissant. Ainsi, Alfred Jarry œuvre de près à la composition des Minutes de sable mémorial en 1894, avec le concours technique de Charles Renaudie, et Guillaume Apollinaire s’investit tout entier dans la confection de L’Enchanteur pourrissant en 1909, avec l’assistance de l’imprimeur Paul Birault. Qu’ils fassent profession de conseiller littéraire comme Blaise Cendrars ou Jean Cocteau à La Sirène, ou qu’ils se convertissent pleinement au métier d’éditeur et de typographe comme François Bernouard ou Pierre Albert-Birot, les poètes des années 1910 et 1920 sont, parmi les hommes de lettres, les plus portés à étendre leur activité jusqu’à l’élaboration d’ouvrages. Selon toute probabilité, le phénomène s’explique notamment par leur appétence croissante pour l’expressivité des moyens de l’imprimé depuis l’exemple du Coup de dés.
Si Segalen ne dispose pas d’un statut isolé lorsqu’il crée la « Collection coréenne » aux éditions Georges Crès & Cie, il n’en reste pas moins le seul à proposer aux lecteurs une production croisant des cultures aux antipodes l’une de l’autre, et à spéculer sur les écarts entre deux traditions bibliophiliques, l’une française, l’autre chinoise. Car il ne s’agit pas seulement d’écrits à thème oriental, mais d’objets au style extra-européen…

 


Claudel et le livre

Dès le commencement de sa carrière, Claudel a conçu une vision ambitieuse du Livre: beaucoup plus qu’un simple objet utilitaire, il lui apparaît comme une potentialité dynamique, véhicule des aspirations les plus élevées de l’humanité. Le poète doit cette conception exigeante aux deux influences formatrices de sa poétique: d’abord, la Bible, le «Livre des Livres», «l’Ecriture par excellence, celle-là ! la Sainte Ecriture», découverte le soir de sa conversion en 1886 («Mallarmé», 512-13); et l’influence de Mallarmé, qui considère le Livre comme l’expression suprême de la signification de l’univers. «[T]out, au monde, existe pour aboutir à un livre » (« Le Livre, Instrument Spirituel », Oeuvres complètes, 378).

Ces deux influences se réunissent dans la conception de la Création comme un texte, un Livre écrit par une main divine qu’il s’agit d’interpréter et d’imiter par les moyens humains. «[T]oute la Création est comme un livre écrit ». La vision mallarméenne du monde comme un vaste réseau de rapports sera réalisée dans un organe à la fois concret et intellectuel où les phénomènes apparemment chaotiques de la vie seront transformés en signification transcendante.

Le séjour de Claudel en Chine et au Japon entre 1895 et 1909, et sa découverte de l’exceptionnelle richesse des arts orientaux du livre et de l’écriture, ont attisé son intérêt en lui révélant les véritables possibilités d’une conception plus plastique de l’art de la mise en page. La première publication où il sera inspiré à mettre en pratique son intérêt pour les formes matérielles de ses publications est Cinq Grandes Odes (1909-10): il se préoccupe de tous les détails de l’édition pour évoquer dans la forme extérieure de l’oeuvre le même sens de monumentalité somptueuse qui caractérise les Odes elles-mêmes. L’influence orientale se manifeste dans l’emploi d’un luxueux papier coréen, expédié de Chine où il est encore en poste.

Cette influence est plus activement réalisée dans l’édition de Connaissance de l’Est publiée par Victor Segalen dans sa « Collection Coréenne » en 1914. La Collection Coréenne utilise une mise en page soigneusement architecturée, un papier coréen prestigieux, le « Grand Papier de Tribut », et une reliure précieuse, pour créer une correspondance subtile entre les textes poétiques et leur forme concrète. Chaque unité de texte est entourée d’un filet noir et mise en page de sorte que le texte apparaît comme un bloc rectangulaire, créant ce que Segalen appelle une «forme-stèle », évoquant la monumentalité millénaire dont il est question dans les poèmes.

Lorsque le poète est nommé ambassadeur au Japon en 1921, il retrouve l’occasion de participer activement à la préparation matérielle de ses publications, travaillant en collaboration avec des collègues japonais. Il retrouve en même temps les thèmes dominants de sa poésie de la première époque orientale, mais leur donne une nouvelle forme plus expérimentale. Les principales réalisations de cette exploration sont « La Muraille Intérieure de Tokyo », publiée sous la forme d’un « verso » au poème « Sainte Geneviève » (1923) ; « Le Vieillard sur le Mont Omi », 1924 ; et Cent phrases pour éventails, 1926 (forme finale d’une œuvre élaborée en plusieurs versions). A la même époque, ses expériences japonaises inspirent Claudel à réfléchir d’une façon systématique sur l’art et la fonction même du livre.

Dans « La Philosophie du Livre » (1925), il célèbre le livre comme « instrument de connaissance », « réceptacle de la pensée », « laboratoire de l’imagination » (Prose, 72-79), un lieu où l’esprit poursuit sa recherche du sens et de l’ordre dans le monde. Chaque livre, de n’importe quelle nature, est une pierre apportée «au vaste monument de l’Explication humaine » (72), mais le livre est lui-même une construction et possède sa propre structure interne. Suivant ses théories sur le rythme poétique et sa base physiologique dans la respiration, Claudel insiste sur le rôle capital de l’espace blanc dans la mise en page des textes poétiques : « Le blanc n’est pas en effet seulement pour le poème une nécessité matérielle imposée du dehors. Il est la condition même de son existence, de sa vie et de sa respiration ».

Ces idées apparaissent sous une forme concrète dans « La Muraille », « Le Vieillard » et Cent phrases, où le poète utilise des moyens différents pour mobiliser l’espace concret de la page, pour faire de l’acte de lecture un voyage d’exploration créatrice au lieu d’une progression mécanique et monotone. Le volume qui contient « Sainte Geneviève » et « La Muraille » les présente dans un format japonais de feuille pliée en accordéon entre deux planchettes de bois ; les deux poèmes sont écrits en versets, juxtaposés sur deux faces, avec « Sainte Geneviève » au recto, et au verso « La Muraille ». Ils forment ainsi une oeuvre hybride et culturellement ambiguë: le recto est le poème du triomphe des valeurs positives et collectives à l’occidentale, tandis que la forme et la poésie du verso expriment un envers mystérieux, un miroir magique qui reflète sous une forme indirecte et onirique la nature des choses à travers le processus de création poétique. « Le Vieillard sur le Mont Omi » reste l’unique exemple d’une expérience typographique où Claudel mêle aux techniques japonaises de mise en page une conception spatiale proche des expériences typographiques contemporaines comme les Calligrammes d’Apollinaire, les expérimentations des Futuristes et Un coup de dés jamais n’abolira le hasard de Mallarmé.

Les vingt-deux petits textes, qui évoquent le séjour d’un poète-ermite japonais en haut d’une montagne, sont disposés autour d’un centre formé par le titre de l’œuvre dans un schéma circulaire qui cherche à concilier la temporalité linéaire de la lecture et une expérience poétique synthétique et immédiate. Ce réseau spatial complexe exprime la nature paradoxale de la connaissance du monde évoquée dans les textes, qui mêlent des images de longue attente et de brusque illumination. « A minuit j’allume ma lampe et aussitôt les sentences et les peintures m’apparaissent de toutes parts suspendues autour des parois de ma hutte » : l’espace de la page représente à la fois l’espace intérieur, dans la tête ; celui de la hutte; l’espace extérieur élargi, du paysage de montagne ; et, enfin, l’espace temporel, l’étendue de la vie du poète.

Enfin, dans la dernière publication « japonaise » importante de cette époque, Cent phrases pour éventails, Claudel transforme profondément le travail de mise en page, à commencer par la représentation graphique de ses poèmes, remplaçant les caractères d’imprimerie occidentaux par la calligraphie de sa propre main et celle de son collaborateur japonais, Ikuma Arishima. Le mouvement dynamique des caractères japonais et des traits sinueux de l’écriture de Claudel créent une page-paysage qui intègre toutes les dimensions de l’espace dans une série de tableaux miniatures en intense activité. En même temps, l’ensemble est soumis à une architecture globale créée par les cloisons noires qui séparent les poèmes-phrases. Cette structure totalement personnalisée est une réponse originale au problème du recueil poétique que Claudel a médité dans « La Philosophie du Livre » : « Chaque poème au fond est isolé et devrait se présenter sous une forme qui lui soit particulièrement appropriée ».

Enfin, l’on peut dire que les oeuvres où Claudel adopte les techniques du livre oriental mettent toutes en avant le processus de la création poétique elle-même, comme si l’expérience de la pensée esthétique et spirituelle orientale, et sa profonde compréhension des mécanismes par lesquels l’artiste peut résumer l’essence des choses par le processus d’abstraction organique, amène le poète à réfléchir plus profondément sur le fonctionnement et la signification de ses propres mécanismes créateurs.

La dernière partie de la carrière littéraire de Claudel le voit reprendre la notion du Livre dans un sens plus dramatique et élargi.

Dans deux de ses derniers drames, Le Livre de Christophe Colomb et Jeanne d’Arc au Bûcher, le Livre représente la forme du destin des héros transfiguré en signification éternelle et transcendante.

La plus grande entreprise de la dernière partie de sa vie est la série de commentaires bibliques où il se consacre au Livre des Livres, à déchiffrer, à interpréter et à réécrire l’histoire du vaste réseau de rapports qui réunit la Sainte Ecriture et la Création. « Rien ne nous empêche plus de continuer, une main sur le Livre des Livres et l’autre sur l’Univers, la grande enquête symbolique qui fut pendant douze siècles l’occupation des Pères de la Foi et de l’Art » (« Mallarmé »).

Nina Hellerstein
Professeur Emérite, University of Georgia Athens, GA 30606 USA



Auguste Gilbert de Voisins, (1877-1939)

Ecrivain, essayiste et traducteur français.

Auguste Gilbert de Voisins passe son enfance en Provence, vient à Paris en 1898 et entreprend des voyages en Europe, en Afrique du Nord, puis au Sénégal et au Dahomey.

En 1909, il accompagne Victor Segalen à Pékin, d'où ils partent à cheval pour un voyage de dix mois en Chine occidentale.

Tous deux repartent en Chine en 1913, accompagnés de Jean Lartigue, pour une mission archéologique, interrompue par la Première Guerre mondiale.

 

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