KURT HINRICHSEN (1901-1963) « Visionnaire de la réalité » du 18 octobre au 30 novembre 2025 Ouvertures : samedi et dimanche de 14h00 à 18h00 Kurt Hinrichsen, né à Saint-Gall en 1901, a grandi à Bâle où sa famille s'est installée en 1907. Il a renoncé à des études de droit pour se consacrer à la peinture. Il part à Munich où il fréquente différentes académies, puis entre à l'École de tissage de soieries de Zurich. A partir de 1925 il vit à Paris et décide de se consacrer entièrement à la peinture, tout en étudiant auprès de Jules Adler (1865-1952) / peintre rattaché au courant naturaliste dont le thème de prédilection était le monde ouvrier, ce qui lui a valu d'être surnommé « le peintre des humbles ». A Paris Kurt Hinrichsen expose dans de nombreuses galeries (en particulier chez Durand-Ruel et à la Galerie Chardin), au Salon des Indépendants à partir de 1929, au Salon du dessin et de la peinture à l'eau, au Salon Comparaison, ainsi qu'en Suisse (Künsthalle de Bâle) et à plusieurs reprises chez Bettie Thomen à Bâle. Il exécute des illustrations pour la revue La Barre et réalise de nombreux paysages lors de son séjour à Tonnerre, dans l'Yonne, où résidaient les parents de son ami peintre Paul Charlot. Lors d'un voyage en Belgique en 1934, l'étude approfondie des œuvres de Rubens influence sa peinture. En 1937, une bourse du musée de Bâle lui permet de se rendre en Italie et à Anvers. À partir de 1945, il passe souvent l'été aux Sables-d'Olonne, ce qui l'encourage à introduire de nouveaux sujets dans son œuvre. De même, en 1946, il visite la Savoie et y peint des paysages. L'État français, la ville de Paris, la Kunstkredit Basel et diverses entreprises possèdent des oeuvres de Kurt Hinrichsen. Environ 400 tableaux se trouvent dans des collections privées en Suisse, en France, aux Pays-Bas et aux États-Unis.
Sa voie dans la couleur Ses figures aux formes expressives peuvent parfois rappeler Ensor, Schiele ou Soutine, mais sur le plan stylistique, ses peintures vibrantes et captivantes, aux couleurs captivantes, sont d'un style personnel. Hinrichsen fut rejeté par de nombreux critiques, mais salué par d'autres. Par exemple, le Belge Paul Fierens, important critique d'art européen du milieu du siècle dernier, trace une ligne de démarcation entre les Vénitiens, Rubens, Delacroix, Van Gogh, Soutine et même Ensor. Il écrit : « L'art de Kurt Hinrichsen ne parle pas ; il étonne, il chante, il crie, il explose et ne laisse personne indifférent. » D'autres critiques le rapprochent de Renoir ou parlent d'un impressionnisme traduit en expression. Adrien Chappuis, l'un des plus célèbres collectionneurs de dessins de Cézanne, d'Aix-les-Bains, a publié en 1954 un ouvrage illustré en noir et blanc et en couleur sur Kurt Hinrichsen. Il y établit un lien entre les Vénitiens, notamment le Tintoret, Rubens et Delacroix, et soutient que le tableau, qui ne s'inscrit dans aucune école ni étiquette commune, pourrait peut-être être qualifié de baroque teinté d'expressionnisme, même si Hinrichsen n'a jamais éprouvé d'attrait pour les expressionnistes. Chappuis le décrit comme «une création unique, individuelle et authentique, exécutée avec beaucoup de finesse et d'engagement, qui inspire autant ses partisans que ses opposants.»
Un visionnaire de la réalité Hinrichsen était un dessinateur talentueux et un designer sensible, mêlant personnages, architecture, objets et musique à ses compositions. Il a trouvé sa voie dans la couleur. Il observait et aimait la vie réelle qui l'entourait, s'identifiait aux choses, recherchait l'expression et traduisait pensées et sentiments dans son style personnel. Il plaçait chaque personnage et chaque objet de ses compositions avec l'atmosphère qu'il transmettait. Ses personnages, objets et paysages rayonnent souvent subtilement, puis avec force et souvent avec dramatisme. Tout ce qu'il peint est équilibré et finalement cohérent. Presque chaque tableau déploie un lyrisme dynamique, un mouvement souvent palpitant et des détails finement coordonnés. Son travail ne laisse personne indifférent. Un journal français a écrit un jour : « Tout rugit, fait de la musique, résonne et est vivant. » Hinrichsen peint toujours la vie, le visible, le monde vibrant, de son point de vue, tout en révélant les forces qui le sous-tendent. Sa devise : « L'art, c'est la vie ! » est présente dans chacune de ses œuvres. Hinrichsen a été qualifié à plusieurs reprises de visionnaire de la réalité.
Ce cachet d'atelier peut se trouver aussi bien sur des dessins que des peintures. Un second cachet a été créé par Me Robert pour les œuvres vendues aux enchères en 1971. Oeuvres en vente de Kurt Hinrichsen « Le Jardin Niçois » 146 cm x 114 cm (1960) - image d'une reproduction La femme du peintre, Marie Hinrichsen, a écrit au sujet de ce tableau: Lors d'une exposition de ses œuvres au Musée de Toulon en 1960 (13 février au 1er mars 1960), après le vernissage et au moment de penser au retour, le peintre Stan (*) invite amicalement Kurt et son épouse Marie à passer plusieurs jours dans son domaine des «Taillades» à Seillans dans le Var. (...) Ensuite Kurt et Marie séduits par le ciel ensoleillé de Provence et de moins en moins pressés de «remonter» à Paris décident d'assister au Carnaval de Nice. Ils vont donc séjourner une semaine au milieu des mimosas en fleurs. Kurt évidemment travaille. Il fait quelques dessins aquarelles et choisissant comme centre d'étude les jardins du Château de Nice. (Ndlr: Le carnaval de Nice en 1960 a eu lieu du 14 février au 1er mars) Le 27 février une composition se précise avec les figuiers de Barbarie, les agaves, les rochers, les balustres, le banc et les trois jeunes filles. (Ces trois jeunes filles ne sont pas une invention du peintre, mais une réalité plastique heureuse qu'il conserve avec soin). Rentré dans son atelier parisien, Kurt n'a plus qu'à utiliser ces documents et exécuter deux toiles sur ce sujet du «Jardin Niçois». La petite appartient à Madame Hinrichsen - La grande fut exposée au Salon d'Automne de 1960. (*) Stanislas Appenzeller. Alias "Stan" s’installe à Seillans en 1956 au Domaine des «Taillades» avec sa femme Nicka. C’est là qu’il trouvera son «havre de paix». Ami de Lucien Jacques et proche de Jean Giono, Stan n’a jamais cessé de peindre la Côte d’Azur, la Provence et de nombreux portraits jusqu’à sa disparition en 1980. L’ensemble de ses œuvres ont été léguées à la commune de Seillans. Une exposition permanente lui est consacrée au deuxième étage de la
Kurt Hinrichsen 1901-1963 Kurt Hinrichsen was born on October 26, 1901 in Basel or St. Gall to a German father. He was a painter, draughtsman, and engraver of figure compositions, figures, nudes, portraits, and landscapes. Hinrichsen’s family settled in Basel in 1906. He settled permanently in Paris in 1924-1925, at the time when he decided to devote himself entirely to painting, while studying with Jules Adler. During a trip to Belgium in 1934, studying the works of Rubens in greater depth influenced his painting. In 1937, a bursary from the Basel museum enabled him to travel to Italy and Antwerp. From 1945, he often spent the summer in Sables-d’Olonne, which encouraged him to introduce new subjects into his work. Similarly, in 1946, he visited Savoy and painted landscapes there. Hinrichsen exhibited regularly at the Salon des Indépendants from 1929 and sometimes at the Salon d’Automne. He also exhibited from 1950 onwards at the Salon Comparaisons in 1955 and 1957. He has about 15 solo exhibitions, mainly in Basel and Paris, including one at the Kunsthalle in Basel in 1946 and also in le Havre and the Hague. Hinrichsen’s painting is very personal, characterized by drawing that is nervous, baroque, full of curls, curves and counter-curves, and he uses the pure colors of the Fauves, often slightly acid, placed on the canvas in scattered dots. He has painted many subjects, landscapes, and various regions, mainly in France and Italy, portraits, a large number of female nudes, and above all, compositions containing figures in motion.
LE PEINTRE KURT HINRICHSEN (1901-1963) Notre époque éprise de liberté l'est aussi de ces classements « par tendances » qui facilitent la tâche de la critique et qui procurent au public une apparence de sécurité. On croit y voir clair quand on sait à quel groupement, à quelle équipe, à quelle école un artiste se flatte d'appartenir ou accepte de s'affilier. Mais nous voici en présence d'un inclassable et qui nage à contre-courant avec une rare vigueur. Ses contemporains sont perplexes devant son cas, se demandant quelle étiquette appliquer à sa ou à ses manières. Il faut renoncer à l'apprivoiser, le prendre tel qu'il est, admettre qu'en un temps où la peinture se détache de tout objet, aspire à ne se justifier, à ne subsister que par elle-même, et tend de plus en plus à ce qu'on nomme l'abstraction, Kurt Hinrichsen demeure aussi lyrique qu'il est attaché au réel. Paradoxale est ainsi sa position : c'est la vie qu'il veut exalter et dont, tout d'abord, il s'enivre, mais il la transcende en superposant à sa représentation toujours lisible l'expression d'une subjectivité qui pourrait se passer de tout prétexte et faire éclater la forme concrète, la dissoudre, la pulvériser. Il semble que le rythme pur, un rythme tour à tour ample et saccadé, berceur et nerveux, soit le principe et la raison suprême de l'art du moderne « baroque », de l'impressionniste et expressionniste rubénien qu'est Hinrichsen. Par là, sans doute, par son culte pour Pierre-Paul Rubens, il a, depuis plus de vingt ans, requis l'attention, forcé la sympathie du Flamand qui lui rend ici témoignage et qui apprécie hautement son intransigeance, son appétit d'unité, de totalité. Le mouvement de son esprit et de sa main crée ce rythme auquel nous venons de faire allusion comme à la qualité maitresse de son style, ce rythme qui anime le moindre de ses dessins, la plus foie touffue de ses compositions, et qui entraine en une sorte de tourbillon, de vertige, son oeuvre entière. La « torsion » que Delacroix s'efforçait de donner à ses figures, à ses arbres, à tous les éléments de ses grandes fugues picturales, Hinrichsen, instinctivement, la communique à ce qu'il appréhende; ce qui s'offre à ses yeux et ce qui hante sa mémoire, il le plie à sa fantaisie créatrice, il en fait des vagues, des flammes, des signes de son enthousiasme frémissant, de sa vitalité piaffante, de sa tendresse un peu brutale, de son amour qui s'adresse à tout le visible, à tout le vivant, à l'humain. Quand il peint, il dessine avec la couleur. Et sa couleur, de même que sa forme, a sa valeur par elle-même, indépendamment de toute référence à la nature observée et analysée. L'orchestration des thèmes, des motifs, est suggérée, elle aussi, du dedans; elle est rythme de tons, mouvement de nuances et vibration de lumière. Lumière qui a son charme, ses attendrissements, ses caresses, mais aussi, dirait-on, ses colères, ses accès de rage. Lumière qui reste imprégnée des fraîcheurs impressionnistes, mais dont parfois les violences s'apparentent à celles de Van Gogh, de Soutine, les stridences à celles d'Ensor. L'art de Kurt Hinrichsen ne parle pas, il chante, il crie; il explose en fulgurations dont on pourrait se demander si elles manifestent simplement la joie de peindre, la joie de vivre, ou si elles ne répondent pas à une espèce d'acharnement, de révolte contre la matière, contre la vie même, prosaïque et quotidienne, qu'il s'agirait à la fois de transcrire, de stigmatiser et de magnifier. Car enfin ces femmes de bar et de lieux douteux, ces danseuses se tortillant, ces dormeuses dépoitraillées, ces baigneuses aux chairs sans gloire, fausses grasses et fausses maigres, toutes en courbes, contre-courbes, exagérations de muscles, de croupes, de seins, Hinrichsen les juge sans doute aussi hideuses qu'admirables. Il semble chercher la beauté à travers la vulgarité, la laideur, et bien au delà. C'est qu'il regarde ce que la nature lui propose, mais il en dispose à son gré, dans le souci de nourrir de réalité - caractéristique « baroque » encore - un art qui finalement, quasi exclusivement, vaille par son élan vital et qui, se soustrayant aux contingences du sujet, s'élève à sa propre « musique », à sa plénitude plastique, à sa splendeur incandescente, brasillante. Toujours est-il que, si gratuites, si personnelles que soient son écriture et sa palette, liées à l'ardeur et à la richesse de son tempérament et de son être, jamais Hinrichsen n'a coupé le fil qui unit la peinture au monde extérieur ni celui qui rattache le « moderne » à l'art de toujours. Il est injuste à l'égard des maîtres d'hier, et il faut qu'un artiste ait de ces injustices, mais il se fortifie dans la compagnie de certains « anciens » dont il médite les exemples et dont il aspire, sans forfanterie, à continuer la famille. Il fait l'effet d'un solitaire à quiconque ignore de quelles présences stimulantes et mystérieuses sa solitude est constamment peuplée et sur quels appuis se fonde son indépendance. Il y a, d'ailleurs, un contraste assez saisissant entre l'homme qui est réfléchi, réservé et même un peu raide, et l'oeuvre dont le bouillonnement, le fracas remplit l'atelier. Concevoir froidement et exécuter avec fougue : c'est le conseil que Delacroix se donne à lui-même, envieux qu'il est de la verve et de la « facilité » de Rubens. La correspondance d'Hinrichsen, toutes proportions gardées, est l'équivalent du Journal. Elle nous montre qu'il y a encore des peintres qui pensent leur art, qui seraient peut-être capables de le raisonner, mais qui, heureusement, cessent de raisonner au moment où se fait leur oeuvre, où l'inspiration les saisit et où, fût-ce en balbutiant, ils expriment ce qui, tout au fond de leur conscience, s'éveille pour les éblouir : leur « vision », autrement dit le gage, la sanction et la récompense de leur liberté intérieure.
Source : préface du livre d'Adrien Chappuis consacré au peintre Kurt Hinrichsen. Editions J. Frion, 1954
Exposition du 18 octobre au 30 novembre 2025 Ouvertures : samedi et dimanche de 14h00 à 18h00
ENTRÉE LIBRE
Oeuvres en vente de Kurt Hinrichsen
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