Coghuf
1905-1976
Lithographie signée
Lithographie, signée et datée de 1973
Non numérotée
En parfait état
Cadre d'origine offert en l'état
Oeuvres de Coghuf en vente sur notre site
Ref: EEG
Coghuf (Ernst Stocker) 1905-1976
Né le 28 octobre 1905 à Bâle où il effectue un apprentissage de serrurier, Coghuf s’initie d’abord à la sculpture dans l’atelier de Louis Weber.
En 1924, il rejoint son frère aîné, le peintre Hans Stocker, qui vit à Paris. Dans cette ville, Coghuf exerce son métier de serrurier/ferronnier d’art et, en parallèle, il commence à peindre. II se lie d’amitié avec le peintre tunisien Jules Lelouche qui lui fera notamment connaître la peinture de Modigliani et de Soutine. Coghuf sera aussi très profondément marqué par sa rencontre avec les oeuvres de Van Gogh.
En 1929, il participe à sa première exposition collective à Bâle. Cette année-là, il résidera aussi pour la première fois en Franches-Montagnes. Il continuera cependant à faire des séjours à Paris pour y suivre des cours à l’Académie de la Grande Chaumière.
En 1933, il réalise sa première oeuvre publique, intitulée «Bewegung», destinée à la poste principale de Bâle. II en créera encore beaucoup d’autres par la suite, notamment des vitraux, dont ceux des églises de Soubey, Lajoux, Peseux et du choeur de la Collégiale de St-Germain à Moutier.
De 1934 jusqu’à sa mort survenue le 13 février 1976, il travaillera et vivra en Franches-Montagnes.
Dans les années soixante; il s’engagera fermement dans la lutte contre l’implantation d’une place d’armes, entre autres par des affiches d’une très grande force expressive.
Dans sa peinture, Coghuf a toujours évolué, de l’expressionnisme jusqu’à l’abstraction (terme qu’il considérait comme inapproprié pour définir sa peinture, lui préférant celui de «peinture intérieure»), pour revenir, à la fin de sa vie, à une expression figurative nouvelle.
Texte tiré de la présentation de l'expo janv.-fév. 2006, Galerie 5, Porrentruy
Les silences au pays de Coghuf - par Emile Gardaz
0n peut admettre que le silence n'existe pas, sauf peut-être dans son état absolu que nous appelons la mort. Et encore, à l'heure dite, des chants étranges parce que nouveaux doivent-ils peupler le second voyage.
Gosse, j'imaginais le silence comme la toile d'une voile immense. Tendu entre les gens et les lieux, il était pourtant arrimé. Sa qualité dépendait du fouet des cordages du vent se battant contre l'étoffe. Le vent: bon exemple. En fait, il n'est que le déplacement d'une masse d'air. Ce qui le fait vivre et lui donne une identité s'appelle obstacle, accident. Un mur, une haie, un grenier, l'embouchure et l'alambic d'un instrument de fanfare, un simple roseau.
Les silences du Jura, nous les écoutions chez Coghuf, à Muriaux. Au fond du grand jardin, à travers la toile percée du ciel passaient quelques étoiles et un avion muet. Le premier silence eut pour témoin un chien de ferme, aboyant d'assez loin et donnant ainsi le point le plus éloigné de la voile. Un camion troubla un peu une forêt plus proche. La carte de géographie des silences se précisait.
Il y eut, après, un éclat au bistrot du village: des rires et du verre brisé. Le silence devint, un instant, poussière à gros grains; comme le pare-brise d'une voiture rencontrant une pierre. - A noter, en passant, que les bruits nés de la matière portent davantage que les voix humaines; ils sont sans doute plus originels.
Enfin, le silence campa tout près de nous. Il se manifesta en «bourronnements» et sifflements d'un feu de planches allumé contre la nuit fraîche.
Le haut pays du Jura, traversé parfois de grandes clameurs, sait contenir le silence entre ses claies. J'ai aimé le secret du temps d'hiver. Près de Saignelégier, un chemin se perd. Du moins je le crois. Il conduit nos pas sur le feutre blanc, vers une maison foraine. On s'entend respirer. C'est inquiétant: ainsi donc, nous avons des poumons, un cœur et ça fait ce bruit-là ! A gauche, un ruisseau petit qu'on franchit d'une enjambée lutte contre sa propre glace. Tintamarre de cataracte. L'espace sonore est redevenu désert ? Il est aussitôt tranché au couteau par les cris d'un oiseau. Et la ferme approche. On y heurte des bidons. La voix d'une femme qui doit règner là-bas tente de dominer pour l'instant le remue-ménage d'une étable.
Même quand l'alcool blanc des fruits sauvages est versé et que la chambre de famille fait plus de bruit qu'une place de fête, je le vois, le silence, de l'autre côté de l'étroite fenêtre. Il nous attend, sûr de son fait. Il nous tiendra lieu de châle, sur le chemin du retour. Amical et inquiétant, décrivant la longueur des prés, la densité des forêts. Le train des Franches-Montagnes roule sur une moquette. Les roues et les essieux se sont tus. Un enfant dit à sa mère: «C'est la neige qui a mangé le bruit du train». J'aime le Jura pour ses cris. Mais aussi pour ses silences habités.•